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  • Dans un monde idéal, le compost de biens textiles serait une solution presque parfaite afin de viser le zéro déchet dans le domaine textile et avoir une fin de vie écolo pour nos vêtements. Dans leur quête du vêtement à la plus petite empreinte environnementale possible, plusieurs personnes m'ont demandé : « pouvons-nous composter nos vêtements ? » Or, les enjeux environnementaux et sociaux de l'industrie textile sont très complexes et nombreux, et la réponse à cette question n'est conséquemment pas toute simple. Je vais donc t'éclairer sur ce qu'il faut prendre en considération afin de déterminer si ton vêtement se qualifie pour le bac à compost, et dans quelle mesure il est possible de le faire ou non.

     

    Les fibres naturelles vs synthétiques

    En théorie, les fibres naturelles telles que le coton biologique pourraient être compostées car elles sont biodégradables. Les fibres synthétiques, telles que le nylon, le polyester et le spandex, quant à elles, ne sont pas biodégradables. Elles peuvent prendre de 200 à 400 ans pour se dégrader [1]! D'ailleurs, la mousse de sécheuse est refusée dans le compost de la Ville de Montréal [2], probablement puisqu'on y retrouve des fibres synthétiques (aka non biodégradables).

    Comme toute technologie, la technologie textile évolue beaucoup et rapidement, ce qui fait que l'on retrouve de plus en plus de fibres techniques et performantes sur le marché. Cela n'est pas mauvais en soi, mais l'impact est que de moins en moins de nos vêtements sont composés à 100 % de fibres naturelles. Où cela devient complexe et ce qui pose problème pour le compost domestique, c'est le mélange de fibres. Il est très fréquent de retrouver des fibres naturelles mélangées avec des fibres synthétiques.

    Cotton field

    Dans le cadre de mes recherches, j'ai contacté Stéphane Guérard, directeur général chez Certex, un organisme québécois de valorisation textile. « À part les vêtements composés exclusivement de matières naturelles (coton, lin, chanvre), je ne recommanderai pas de le faire », mentionne-t-il concernant le compostage domestique de vêtements. C'est donc probablement une bonne partie de ta garde-robe qui ne peut être compostée.

    « Par la suite, il faudrait aider la nature en défibrant les vêtements pour mieux les incorporer dans le sol », ajoute-t-il. Pour ce faire, on pourrait utiliser un vieux mélangeur, ou encore un couteau rotatif électrique, par exemple. « Ceci fait, ce peut être un excellent amendement capable de libérer du carbone pour les champignons contenus dans le sol, de retenir une bonne quantité d’eau et de favoriser le développement des vers de terre dont le rôle est primordial dans l’équilibre du sol ».

     

    Des produits nocifs dans nos vêtements

    Comme le résume le directeur général de Certex, « la question des résidus synthétiques se pose, ainsi que les traces des nombreux produits chimiques qui entrent dans la composition des vêtements ». Il n'y a donc pas que le type de fibre à considérer pour le compostage des vêtements par les particuliers.   

    Les textiles en tant que produit fini, qu'ils soient faits de fibres naturelles ou synthétiques, peuvent contenir certains produits chimiques hasardeux. D'ailleurs, Greenpeace, a mené une investigation avec des articles vendus par 20 différentes grandes compagnies de vêtements et a découvert que des résidus de éthoxylate de nonylphénol (NP) sont très répandus dans plusieurs gammes de produits textiles sportifs et récréatifs [3]. Les NP sont largement utilisés dans l'industrie textile lors des processus de nettoyage et de teinture du tissu. Ces produits sont toxiques pour la vie marine et demeurent longtemps dans l'environnement [4].

    Même si les produits chimiques hasardeux sont potentiellement présents dans les vêtements en petites quantités, c'est l'accumulation de ces produits dommageables sur toute la planète qui est problématique. Plusieurs de ces produits chimiques sont toxiques et bioaccumulatifs, c'est-à-dire qu'on les retrouve en concentration de plus en plus élevée plus on monte dans la chaîne alimentaire. Avec une production d'environs de 80 milliards de vêtements produits mondialement annuellement [5], l'impact n'est pas négligeable. 

    Sans faire d'investigation approfondie, telle que l'étude menée par Greenpeace, il est difficile de savoir quels produits nocifs peuvent être contenus dans nos vêtements. Pour cette raison, je ne suis pas certaine si je suis à l'aise de mettre un vêtement dans mon compost domestique, pour ensuite le mettre dans mon jardin et que ces dits produits hasardeux potentiellement présents dans mes vêtements se retrouvent dans mon assiette.

    En gros, qui dit fibre biodégradable, ne veut pas nécessairement dire vêtement compostable.

    Toxic Threads

    Source: Toxic Threads: The Big Fashion Stitch-Up


    Les fils

    Mis à part le textile qui entre dans la composition du vêtement, n'oublions pas les fils. La très grande majorité des fils utilisés pour la confection des vêtements dans l'industrie de la mode sont faits de polyester. C'est une fibre synthétique certes, mais en contrepartie, utiliser un fil en polyester offre plus de durabilité aux vêtements que s'ils étaient confectionnés avec du fil de coton qui casse si facilement.

    Par exemple, pour la collection de sous-vêtements «Les dessous», j'ai choisi un fil spécialisé fait de 100 % polyester. J'ai fait des tests avec toutes sortes de fils, mais ils cassaient ! J'ai donc finalement opté pour un fil offrant plus d'élasticité, et donc beaucoup plus durable. Il existe une panoplie de types de fils, avec des grosseurs différentes, des matériaux différents, un fini différent, etc. Il est donc important d'opter pour un fil adéquat.

    Être écolo, c'est aussi opter pour la durabilité ! Mais pour ce qui est du bac à compost, c'est zéro.

    Comme il n'est pas tenu par la loi concernant l'étiquetage textile [6] d'y inscrire la composition du type de fibre utilisé pour les fils dans la confection du vêtement (car les fils composent généralement moins de 5 % de la masse totale des fibres présentes dans un vêtement, qui est le minimum requis pour être tenu d'être affichée sur l'étiquette de composition), il est donc difficile de savoir avec certitude dans quelle matière il est fait.

     

    Les étiquettes, boutons et fermetures éclair

    Les étiquettes de vêtements (ex.: étiquette logo, de grandeur et d'instructions de lavage) ne se compostent (généralement) pas. Elles peuvent être faites à partir de satin, nylon, polyester (matière synthétique, donc non biodégradable) ou coton (biodégradable). Bien entendu, tous les accessoires de couture ne peuvent être compostés (ex.: fermetures éclair en métal et plastique, boutons en plastique, etc.). En point boni, tu peux toujours découdre tes boutons et tes fermetures éclair pour les garder pour un futur projet DIY.

    À date, si ton vêtement passe toutes ces étapes et que tu le considères toujours comme un potentiel élu au bac a compost, passe GO et réclame 200 $.

     

    Le compost de vêtements; pas aussi évident que ça en a l'air

    Dans un monde idéal de licorne, on pourrait composter nos vêtements. L'encre serait faite de poussière d'étoiles et les fils en mini réglisse. Cependant, comme nous vivons dans un monde plus complexe qu'un monde de fantaisie, la réalité de l'industrie textile fait qu'il n'est pas vraiment possible de composter ses vêtements en ce moment en ayant la certitude de ne pas laisser des matériaux nocifs dans l'environnement.

    Heureusement, il existe des initiatives environnementales, telles que le projet de recherche et développement par l'entreprise Certex qui porte un regard sur des possibilités concernant le compost textile.

     

    Certex, un organisme québécois de valorisation du textile

    Certex est un centre québécois de récupération et de tri qui valorise 90 % de nos textiles post-consommation, ce qui équivaut à environ 6 000 tonnes de textiles usagés par an. Il reste toutefois un 10 % qui va à l'enfouissement.

    Stéphane Guérard explique; « On oriente près de 600 tonnes vers l’enfouissement, essentiellement des fibres synthétiques qui peuvent mettre plusieurs centaines d’années pour se dégrader naturellement. Devant cet état de fait, Certex a financé un programme de recherche pour trouver une solution qui dégraderait les fibres synthétiques rapidement ». Super, non !?

    Un champignon qui biodégrade des fibres synthétiques en 90 jours

    Le programme de recherche mis sur pied par Certex permettrait de biodégrader beaucoup plus rapidement les fibres synthétiques qui mettent normalement des centaines d'années à s'éliminer. « Notre chercheur a caractérisé 3 souches de champignons capables de dépolymériser une grande partie des fibres synthétiques (en mélange avec des fibres naturelles) en 90 jours », raconte Stéphane Guérard.

    Le projet est très encourageant, et à mon avis super intéressant. Il est encore sous phase de recherche et développement et l'investigation se poursuit maintenant dans une autre direction. M. Guérard explique: « C’est intéressant, mais il n’y a pas de débouchés commerciaux pour cette recherche. Nous avons donc poursuivi nos efforts d’investigation pour identifier un débouché possible dans des biofiltres capables de remédier à la pollution des sols aux hydrocarbures ou même de traiter des déversements pétroliers ».

    Pour en savoir davantage sur ces fameux champignons et le projet de recherche, je t'invite à aller visionner la capsule qui a été réalisée par le RAD de Radio-Canada [7]. David Dussault, le chercheur derrière cette étude, nous montre comment il s'y prend pour éliminer un t-shirt en polyester.

     «Décomposer un t-shirt avec des racines de champignons», capsule par le RAD de Radio-Canada.
    Source: Youtube

     

    Et puis, finalement, savais-tu qu'il y avait autant de choses à considérer pour pouvoir déterminer si ton vêtement est éligible au bac à compost ?

     

    Sources:

    [1] Certex

    [2] Ville de Montréal, «Guide des bonnes pratiques de collecte des résidus alimentaires de l’agglomération de Montréal», 

    [3] Greenpeace, «Hazardous chemicals in branded textile products on sale in 27 places during 2012»

    [4] Greenpeace, «Hazardous chemicals in clothing»

    [5] Siegle, Lucy (2011). «To Die For: is Fashion Wearing out the World? Fourth Estate», cité dans Greenpeace (2012), «Toxic Threads: The Big Fashion Stitch-Up»

    [6] Gouvernement du Canada, «Guide du Règlement sur l'étiquetage et l'annonce des textiles»

    [7] RAD, Radio-Canada, «Décomposer un t‑shirt avec des racines de champignons»

    Marie-Eve Bournival-Paré
    Marie-Eve Bournival-Paré

    Hi! I am the designer and founder of Clothes & Roads, I love tea, succulent plants, yoga, chocolate and baby animals. Between designing new clothes for my brand, managing my social accounts, the production and the business finances, I like to share on the blog a diversity of subjects like slow fashion, travel, zero waste, local products, minimalism and vanlife! 🚐

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